Réinventer la sophrologie, d’accord, mais ne se réinvente-t-elle pas à chaque patient ?
Chaque jour est différent, chaque patient est différent, et chaque proposition est différente, pour répondre au plus près des attentes du patient. Bien entendu, il arrive que les demandes soient débordantes ou déconcertantes ! comme la demande d’un de mes patients de rester durant toute la séance dans le silence : il inventait « la méditation ». En avait-il la pleine conscience ? ou bien cet autre qui venait dans le but de « trouver un sens à sa vie » après m’avoir affirmé qu’il avait tout pour aller bien et qu’il se sentait pourtant « malheureux » !
C’est peut-être le sophrologue qui est à réinventer, par le regard et les attentes de son patient, ne croyez-vous pas ?
Que de demandes auxquelles le sophrologue doit faire face et est confronté ! Pourtant, à bien y réfléchir, dans sa formation il n’a été nullement question de telles demandes ! Alors, réinventer la sophrologie, oui, avec son vécu, avec ses expériences de vie, mais toujours en se référant à soi, et à cette question récurrente -qu’est-ce que j’attendrais dans une situation telle que celle-là en tant que patient ? Comment rester présent et serein en tant que sophrologue, alors qu’à l’intérieur de soi, le cœur bat la chamade et c’est justement à cet instant que je comprends à quoi m’a servi et m’a préparé ma formation de sophrologue, à me détendre moi-même, à rester à l’écoute, à rester branché par le regard à la présence de mon patient. Le sophrologue a cette base solide que l’on appelle « ancrage » ; il reste ouvert aux moindres signaux, le verbal et le non-verbal se bousculent et finissent par donner une image plus précise. L’idée surgit tel un clown qui sort de sa boîte. Serait-ce cela que l’on appelle l’intuition ? Comme un sixième sens, il ouvre des portes, l’horizon s’éclaircit…
Que de questionnements aussi bien pour le patient que pour le sophrologue ! Une relation humaine démarre, comme une lancée dans une aventure, on ne se sent « plus seul » on cherche oui, mais soutenu, accompagné… dans le Cabinet de Sophrologie !
Cette aventure commence, proprioception, empathie, bienveillance, ancrage, respiration en conscience, relâchement musculaire… le corps se laisse embarquer, « le mental lâche » les amarres et les pensées, une douce lourdeur se fait sentir… le voyage commence. Que vais-je découvrir se dit le patient, où vais-je aller se dit le sophrologue. C’est ça réinventer la sophrologie, c’est une aventure à deux dans la découverte de territoires inconnus, dans une confiance réciproque, chacun est là, l’un pour l’autre à sa façon. Il n’y a plus de place pour le « sachant » et celui qui « cherche à savoir ». Chacun, à tour de rôle, se pose dans un espace-temps, dans un « espace de soin » protégé, dans ce silence qui parle soudain de soi ! Nous sommes là pleinement dans une démarche de phénoménologie, principe fondamental de la Sophrologie.
Réinventer la sophrologie, quelle drôle d’idée ! et pourquoi pas …
Nous allons nous laisser porter par notre imaginaire, laisser notre intuition nous guider, inventer, créer et puis se laisser porter par la musicalité du terpnos logos. Oui, la sophrologie, c’est une musique, nous sommes, sophrologues, des chanteurs de l’âme, des enveloppeurs de vie. Comme ces troubadours d’un autre temps, nous allons traverser sentiers et chemins et découvrir de nouveaux lieux. Comme un archéologue, avec patience, avec respect, moi la sophrologue, j’écoute, je sens, je regarde, je m’imprègne des mots de l’autre pour n’en garder que ce qui résonne en moi. Pourquoi ? on ne sait pas ou plutôt on ne sait pas encore jusqu’au moment où, comme une évidence, le terpnos logos prend forme et vie, ma voix devient vectrice des mots reçus de l’autre et mis en forme. C’est là toute l’empreinte du sophrologue, qui parle de sa sensibilité, de son humanité, comme un véritable « savoir-faire ».
Je ne veux pas parler de ce que n’est pas la sophrologie, ou vous me pardonnerez cette faiblesse, juste quelques mots, en forme de souhait, et je repense au message de Martin Luther King quand il proclame son rêve :
I have a dream… C’est comme ça que j’aimerais commencer mon message, comme un cri du corps et du cœur.
- Sophrologue, ne cède pas à la facilité de lire simplement les textes des autres, fais-toi confiance ! Certes, c’est une prise de risque, que les idées ne viennent pas, que l’on soit déconcentré, mais c’est ce que l’on appelle l’expérience et le respect du patient. N’hésite pas à sortir de ta zone de confort, c’est là que la vraie vie commence, comme le dit Neale Donald Walsch.
L’émotion passe lorsqu’il y a la naissance de cette séance, comme pour un trapéziste sans filet, comme pour un chanteur en live sans playback. C’est aussi protéger notre métier ; les meilleurs restent, les mauvais ne tiennent pas longtemps. Cette pratique nécessite de se nourrir d’images, d’ailleurs, de passions, de temps vide pour soi. A chacun de trouver son rythme de travail, ce qui lui convient pour se sentir en phase avec la philosophie de la sophrologie qui est avant tout un art de vivre. A notre époque cet art de vivre devient un luxe. Qui n’a pas rêvé de faire un métier qui fait du bien à soi et fait du bien à l’autre et être rémunéré pour le faire ?
J’aime, en tant que sophrologue, sentir l’air frais le matin lorsque je me dirige vers mon cabinet pour y accueillir mes patients, et sentir une fatigue du travail bien fait en fin de journée. C’est un travail, comme une vocation, celle d’apporter un baume à l’âme, un métier de l’humain pour l’amour de l’être humain et l’amour de soi. Réinventer la sophrologie, oui, à chaque instant, avec chacun sa sensibilité, son parcours de vie, sa culture, ses rêves …Être dans le présent est un véritable cadeau…
Comme un chanteur, qui est au service de la mélodie, je ne suis qu’un instrument au service de l’autre pour l’ouvrir à sa propre sensibilité, ses rêves, ses désirs, ses peurs aussi et son chemin de vie, parsemé de-ci, de-là de trébuchages, de douleurs, d’incompréhensions, de maladies, cherchant inlassablement de la compréhension, de l’écoute et de la disponibilité, un espace où pouvoir déposer son trop plein.
On pourrait considérer le « terpnos logos » comme une sorte de thérapie par le son, se rapprochant de certains aspects de la musicothérapie, venant renforcer ainsi les techniques de défocalisation comme dans le cadre des acouphènes par exemple.
Pas de protection par un savoir envahissant, juste une aventure humaine, sincère, bienveillante, en recherche…
Cette recherche à deux autour de la demande consciente ou « inconsciente » du patient, une démarche ensemble, dans une humilité nourrissante, je peux enfin lâcher, à l’image du sophrologue qui s’autorise à lâcher son sac de « savoir-faire » pour s’autoriser à aller dans un « savoir être ».
Les notions de réussite professionnelle ont été tellement surinvesties, que l’humain en a perdu de vue son essentiel, son « essence même », sa vitalité ! A l’image de ces terres arrosées de pesticides, où plus aucune « mauvaise herbe » ne pousse, nous nous sommes appauvris de notre substance vitale, de notre « humanitude », pourquoi courir, après quoi et pour en faire quoi ?
Ne pourrait-on pas prendre un temps pour se poser, s’interroger sur ses besoins et ses désirs ?
A votre entrée dans le cabinet du sophrologue, un autre rythme commence, « un instant suspendu ». Pas d’objectifs à atteindre, pas de notion de rentabilité, juste un espace pour soi.
Un sophrologue qui vous accueille, ayant lui-même appliqué ce que vous venez chercher sans le savoir encore !
Un espace sans prétentions !
Réinventer la sophrologie, quelle drôle d’idée !
Demain je commence …. Alors, place non pas « à l’action » avec la Sophrologie, mais certainement à l’efficacité de la « non-action » !
Un moment pour se réinventer, un moment pour « reparcourir » son chemin de vie avec un regard rempli de compassion et d’amour, car ce que nous considérons comme des erreurs, signe notre particularité et notre identité. Je vais ici vous faire une confidence, je dis quelquefois à mes patients « Savez-vous ce que j’ai mis sur mon frigo ? J’ai mis un magnet sur lequel est écrit « Always make new mistakes », ce qui veut dire « faites toujours de nouvelles erreurs ». L’erreur est notre espace de liberté, nous ne sommes pas des êtres parfaits, autrement nous serions des robots, sans émotions, sans âme, sans erreurs aussi !
Alors, réinventer la sophrologie, oui, nous sommes dans la bonne « voix » !
Par Isabelle FONTAINE