La Voix

sophrologie pratiques et perspectives n°24 juillet 2019

Article paru en Juillet 2019 dans le magazine:
« Sophrologie, Pratiques et Perspectives » (n°24)

La voix est unique. Elle signe notre identité.

 

On a tous en mémoire le grain d’une voix qui nous a émus, fait vibrer, danser… Bien des années plus tard, on en garde toujours le souvenir, au plus profond de soi. Alors pourquoi ?

Elle nous sert à parler, chanter, crier ou murmurer. La voix nous est indispensable pour communiquer avec le monde qui nous entoure. Mais que savons-nous exactement de cet organe aussi fragile qu’envoûtant ? Pourquoi la perd-on ? Je vais tenter de vous mettre sur la voie…

 

La voix, c’est quoi ?

 

Instrument à vent sophistiqué, complet et complexe, la voix est l’ensemble des sons produits par les vibrations des cordes vocales, replis musculaires à l’intérieur du larynx.

Complet, car il implique plusieurs dynamiques, tout d’abord l’oreille, car pour parler il faut entendre. Pour parler, il faut également faire intervenir le cerveau, qui commande les mouvements du       larynx et des cordes vocales. Également des résonateurs, qui sont les cavités du pharynx, de la bouche, des fosses nasales, des sinus. Et bien sûr les poumons, qui expulsent l’air, matière première du son.

Et complexe, car toutes ces différentes parties du corps travaillent ensemble et parfois de manière contradictoire.

Pourquoi certaines voix nous touchent-elles de manière indélébile ? En préparant cet article, j’ai bien sûr aussitôt pensé à la voix du sophrologue : c’est son instrument de travail, on parle alors du « terpnos logos » du sophrologue, c’est, au fond, son empreinte vocale. Son écoute du patient, lors de l’anamnèse, lui permet de s’imprégner des mots de celui-ci, de son ressenti à travers l’histoire qu’il rapporte là ! sa manière de la raconter et ce qu’elle provoque émotionnellement…

Cette compréhension passe par le mental du sophrologue, mais aussi et surtout par son cœur et son corps, ce qui lui permet de créer et de donner naissance à un terpnos logos « sur mesure ».

Des recherches récentes indiquent que l’on peut fatiguer sa voix en parlant ou en chantant doucement, tout autant qu’en parlant ou en chantant fort. En tant que sophrologue, au fur et à mesure de votre pratique et de vos journées à animer séances individuelles ou de groupes, vous pouvez sentir que votre voix se fatigue, que votre confort en parlant diminue. Nous allons voir quels sont les moyens que vous pouvez utiliser pour répondre à vos besoins spécifiques, avec des conseils adaptés en lien direct avec votre pratique. Avec un entraînement personnel, vous formerez de nouveaux automatismes sains qui s’intègreront à votre activité.

 

Ma voix, c’est moi !

 

Si la voix peut communiquer toute cette belle énergie et constituer une des portes du changement par la sophrologie, elle peut être aussi le témoin de la fatigue ou des tensions de celui qui la porte, bien malgré lui. La voix utilisée dans le terpnos logos demande fluidité et flexibilité, pour être modulée selon le contenu du discours, communiquer avec le ton adapté, les images ou métaphores choisies, conserver l’attention du sophronisant durant les différentes parties de la séance : sophronisation, activation et reprise. Le terpnos logos « parlé » demande également de la solidité pour durer, tout en restant une voix « présente », douce, et agréable à entendre.

Ne pourrait-on pas considérer que la sophrologie fait partie des thérapies sonores, au même titre que celles qui sont appliquées dans le cadre des acouphènes, du fait de « la voix du sophrologue » ? Partant de cette hypothèse, il est donc essentiel de prendre soin de cet outil de travail que représente la voix du sophrologue, « le terpnos logos » qui est un soin parlé, dans un espace de soins qui est le cabinet du sophrologue.

 

Tout ce que ma voix dit de moi…

 

Dans nos relations de travail comme dans notre vie privée, nos interlocuteurs ne sont pas seulement sensibles aux mots que nous employons : sans même s’en rendre compte, ils sont influencés par les multiples paramètres de notre voix. Une voix, ce n’est pas seulement un genre, masculin ou féminin, une fréquence, grave ou aiguë, et une intensité, plus ou moins forte ou faible. L’effet produit tient également au timbre (qualité particulière du son, spécifique à la voix qui l’émet et déterminée par le passage de l’air dans les résonateurs), au rythme, au débit, au choix du vocabulaire, à la manière dont vous posez votre voix, et même à vos interruptions. Car vos temps de silence, bien que vides vocalement, sont habités par vous. Certaines personnes, comme l’humoriste Pierre Palmade, sont d’ailleurs reconnaissables à leurs silences inattendus chargés de signification !

Autant d’éléments dont notre entourage tire automatiquement des conclusions sur ce que nous sommes, sentons, pensons, voulons… Conclusions souvent hâtives, mais pas forcément erronées, car le mental peut influer sur la voix comme la voix sur le mental.

Ainsi, certaines personnes se plaignent que leur voix ne “porte” pas, même en petit groupe, de sorte que la moindre présentation devient pour elles un supplice. Mais ont-elles vraiment envie de se faire entendre ? Souvent, il y a eu dans leur vie un événement qui les a rendues introverties : elles se sont renfermées, elles apprécient moyennement le dialogue, et leur voix est retenue, lourde de non-dits. “Je suis socialement obligée de m’exprimer, mais je n’en ai pas envie !”

 Notre voix d’aujourd’hui peut également témoigner d’un conflit psychique ancien, comme chez les adultes qui ont conservé une voix aiguë, enfantine, jurant avec leur apparence extérieure. Résultat : un trentenaire ou un quadragénaire bien bâti rencontre des difficultés dans sa carrière parce que sa voix haut perchée cadre mal avec les responsabilités d’un chef de département. Mais il arrive également que la personne, le plus souvent un garçon, ait inconsciemment refusé, à la puberté, la sexualisation de sa voix : c’est la “mue faussée”, avec une voix aiguë caractéristique.

 

La voix parfaite existe-t-elle ?

 

Des scientifiques britanniques de l’université de Sheffield affirment avoir calculé la formule mathématique de la voix idéale.

En clair, pour une qualité vocale parfaite, il faut prononcer moins de 164 mots par minute, marquer une pause de 0,48 seconde entre deux phrases et avoir une intonation qui descend en fin de phrase. D’après les chercheurs, cette formule s’appliquerait à toutes les langues européennes.

Cependant si votre voix ne vous semble pas, ou pas assez, en adéquation avec votre personnalité, la cause peut en être purement physique. Que de voix déformées par la fatigue, voilées par la pollution, l’air conditionné, le tabagisme ou la prise de médicaments, ou encore altérées par une allergie respiratoire, des changements hormonaux ou… un reflux gastro-œsophagien, l’acidité de l’estomac pouvant remonter jusque dans la gorge et causer un enrouement !

Une voix sourde, enrayée, peut aussi s’expliquer par un kyste, par exemple, ou encore par la présence d’un sulcus, sorte de pli ou sillon sur le bord interne d’une corde vocale. Mais le principal fautif est le surmenage vocal, systématique dans certaines professions, et auquel viennent parfois s’ajouter des excès d’alcool. Le danger, ce n’est pas de crier une fois de temps en temps, mais d’en faire une habitude !  Si vous multipliez les “coups de fouet” laryngés, vos cordes vocales finiront par réagir, et des nodules, ou encore des polypes, pourront apparaître. Ces lésions sont fréquentes chez les personnes dont la charge vocale est importante, entre autres les opérateurs des call-centers. Ceux-ci sont victimes de ce qu’on appelle l’effet Lombard : travaillant dans un environnement bruyant, ils parlent inconsciemment plus fort et plus aigu, afin de compenser le vacarme ambiant, et finissent par se casser la voix.

Malheureusement, bien savoir placer sa voix, dans une culture comme la nôtre, qui ne privilégie pas d’emblée la proprioception, c’est-à-dire la conscience de son propre corps dans l’espace et de la position des différentes parties du corps les unes par rapport aux autres, ce n’est pas toujours gagné d’avance !

Pour le sophrologue, l’utilisation de la voix, avec ses modulations, fait partie de son travail. Et il n’est pas non plus à l’abri de la fatigue vocale ! Savez-vous qu’en cas de stress, l’organe qui stresse le plus, ce sont les cordes vocales ?

Mais les champions du “claquage vocal” sont évidemment les enseignants. Ce ne serait certainement pas un luxe que de prôner l’introduction de “cours de voix” dans leurs formations, ainsi que l’apprentissage de techniques de détente et de respiration, avec la sophrologie.

 

Comment en prendre soin ? Et quelles sont les précautions à prendre en compte dans une attitude prophylactique ?

 

  •   Connaitre ses limites, pour ne pas risquer le « trop plein » de surmenage, de fatigue, etc… 
  •   Faire pratiquer un audiogramme auprès d’un ORL, dans le cadre d’un bilan auditif, permet de savoir si vous avez une baisse d’audition, ce qui expliquerait que vous avez la sensation de forcer sur votre voix, ou bien d’avoir une voix de tête, c’est-à-dire, une voix qui va vers les aigus. Celle-ci ne favorise pas une réelle détente pour le patient, et entraîne une fatigue et un « forçage » sur la voix. A long terme elle est nocive pour vos cordes vocales !

 Les sophrologues, comme tout un chacun, peuvent un jour rencontrer des problèmes d’audition, ne serait-ce que par la baisse naturelle et progressive de l’audition au fil des années. Il est important de savoir en prendre conscience. Et dans ce cas, le port d’aides auditives en cas de baisse d’audition, vous aidera grandement à garder votre joli timbre de voix et votre terpnos logos n’en sera que plus agréable ! Alors donnez de la voix à vos oreilles …

  •  Eviter de donner un cours avec la fenêtre ouverte, ce qui oblige à élever la voix,
  •  Adopter une bonne posture, ne pas se refermer sur soi car cela contracte la chaîne musculaire antérieure, écrasant du même coup la voix,
  •  Boire régulièrement, car une hydratation insuffisante favorise la raucité.
  •  Demander un “bilan vocal” auprès d’un phoniatre ou d’un orthophoniste. Que vous soyez sophrologue, enseignant, chanteur, comédien, avocat ou télévendeur … un tel bilan est utile pour vous, professionnels de la voix.

Les sophrologues connaissent bien les techniques d’apprentissage d’une respiration abdominale, qui sont indispensables afin de produire une voie « ventrale » en vibration intérieure, qui va favoriser les sons graves, et par conséquent les ondes alpha visibles sur l’électroencéphalogramme.

 

Un « soin » original pour la voix !

 

D’après une étude très sérieuse, des chercheurs ont procédé à l’expérience suivante : vous prenez un verre à moitié rempli d’eau et avec une paille vous faites des bulles pendant quelques minutes plusieurs fois par jour, et ils en ont mesuré les effets sur la phonation. Chez tous les participants, l’accolement des cordes vocales s’est trouvé amélioré après l’exercice. Les auteurs postulent que ces exercices effectuent un véritable massage des cordes vocales, favorisant la circulation sanguine et influant sur l’activité musculaire pendant la phonation.

D’autre part, les tensions du quotidien se répercutent souvent sur notre mâchoire et font que, sans nous en apercevoir, nous gardons les mâchoires serrées pendant la journée ou lors de moments de concentration intense. Il arrive même à certaines personnes de garder les mâchoires serrées la nuit pendant le sommeil, avec parfois des manifestations de bruxisme (dents qui « grincent ») et des douleurs au réveil.

 

Séance de sophrologie pour détendre la mâchoire:

 

Installez-vous confortablement, après une sophronisation de base…, prenez conscience de votre visage, votre respiration devient plus ample et plus présente… tout d’abord, bouche fermée, mettez légèrement votre tête en arrière puis lâchez la mâchoire inférieure, entrouvrez légèrement la bouche, et laissez tomber le menton, comme si vos joues fondaient de chaque côté de votre visage, prenez conscience de l’intérieur des joues, le palais, les gencives, les dents… la langue est souple et détendue, la déglutition est tout à fait normale, et naturelle, sans efforts …. La respiration est maintenant tout à fait calme, les mâchoires se desserrent de plus en plus … Pendant quelques instants appréciez la détente de votre visage… cette détente vient stimuler les petits muscles du visage favorisant la production de collagène naturel, un visage tout à fait lisse, sans tensions…

Vous laissez cette détente se diffuser dans votre corps, de la racine des cheveux jusqu’au bout des orteils…si vous ressentez le besoin de bâiller, ne vous en privez pas et autorisez-vous à le faire autant de fois que vous le souhaitez… Le relâchement musculaire se fait progressivement sentir… puis après une séance complète de tout le corps, avec des mouvements de respiration abdominale plus intenses pour la reprise d’un bon tonus musculaire et à nouveau de grands bâillements, suivis de mouvements d’étirements…

Vous pouvez porter un regard bienveillant et souriant sur votre environnement … et si l’envie s’en fait sentir, ouvrez grand la bouche, et entonnez la chansonnette, vous voyez : votre voix est bien meilleure ! et si j’osais paraphraser Jean de La Fontaine dans la Cigale et la Fourmi, je dirais :

Eh bien chantez maintenant ….

Le bâillement est une contraction intense des muscles du visage et du diaphragme entraînant une inhalation profonde d’air par l’ouverture de la bouche, suivie d’une courte expiration… D’après certains médecins, le bâillement servirait à stimuler notre vigilance. Au cours de la journée, nous accumulons plusieurs facteurs « somnogènes » dans le liquide céphalorachidien. Bâiller favoriserait leur élimination.

Il est tout à fait légitime de vouloir faire de votre voix un outil de communication plus efficace ou une arme de séduction plus irrésistible, l’empêcher de vous lâcher au beau milieu d’un exposé ou d’une conférence… d’un entretien d’embauche, ou tout simplement la rendre plus sympathique et plus chaleureuse.

La bienveillance et l’empathie qui sont au cœur de la professionnalité du sophrologue se communiquent dans le terpnos logos, et la voix du sophrologue constitue souvent pour le sophronisant la porte d’entrée vers une qualité de vie, et un point d’ancrage pour se contacter soi-même dans son potentiel de transformation.

 

Et comme le disait si bien Barbara « La voix est la musique de l’âme ! »

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