La Mort d’un Proche

sophrologie pratiques et perspectives n°23 avril 2019

Article paru en Avril 2019 dans le magazine:
« Sophrologie, Pratiques et Perspectives » (n°23)

Lorsque la vie est là, on ne pense jamais à la mort, ni à la vie d’ailleurs.

Alors, le cœur battant et la main tremblante je vais déposer quelques mots sur une page blanche, comme on dépose quelques fleurs sur une tombe.

Les mots de la mort sont noirs, froids, glaciales même, ils ont le pouvoir de laisse couler les larmes, de rendre le ciel brumeux et de boucher l’horizon à tout jamais.

C’est une porte qui se ferme, c’est une histoire qui prend fin, c’est un pouls sans vie et sans chaleur et pourtant je ne peux réfréner un petit sourire en repensant à ce premier baiser maladroit, où nos bouches se sont cherchées puis effleurées, puis trouvées… Cette sensation ressentie jusqu’au bout de mes orteils, une chaleur qui fait penser que l’on est en été en plein mois de décembre. De la vie, de la vie à flot, à gros bouillon qui se déverse jusque dans les veines les plus fines, une main qui serre la mienne dans une complicité, sans mots, un regard appuyé…

Et un jour, un oreiller qui reste froid au petit matin, laissant juste l’empreinte de mon corps, sans la tienne…

Puis je revois ta gêne, surpris par ma présence impromptue, alors que tu déposais quelques mots sur une feuille, pour tenter de décrire notre lien, notre amour de l’autre, comme une évidence.

Comment c’est difficile de parler de l’autre en son absence, sa vie comme une énergie, comme le sang qui coule dans nos veines, alors les mots s’envolent, s’enlacent, se défont, s’éloignent et se retrouvent une nouvelle fois comme une impermanence constamment renouvelée …

La douleur me saisit, me serre le ventre, les tripes… Comment retrouver ce quotidien qui n’en est plus un, tellement il est devenu étrange…. Et étranger à ma vie.

Le plein de l’absence qui remplit l’espace et qui vide les rivières, les dessèchent et me laisse assoiffée à tout jamais…

Une vie sans vie,

Une vie sans soucis,

Une vie sans pleins,

Une vie sans peines

Alors, à quoi bon, cette vie…

Mais, la vie malgré tout, avec sa puissance, son insouciance, comme un orage balayant tout sur son passage, sans ménagement, sans indulgence… D’autres couleurs, d’autres odeurs, d’autres regards, d’autres gestes, d’autres sourires et d’autres larmes aussi…

C’est ainsi, que je l’ai aimé celui qui s’en est allé, faire rire les oiseaux et les papillons aussi, éclairer d’autres horizons de sa présence, parler aux rochers seuls, perdus au milieu de la mer.

Le soir venu, le vent transforme les sons et il me semble reconnaitre la vibration de ta voix, alors je me donne toute entière à cette brise qui me fait trembler, puis tressauter et frémir, je suis là toute éclairée par cette présence invisible.

Alors seulement, je ris, je vis, la vie est ainsi qui résiste à la peine, à la douleur de la perte et à la mort.

Je ne garde en moi que des souvenirs, tous plus vivants, jour après jour, mois après mois, année après année, comme un trésor protégé, comme on protège un enfant innocent, abandonné dans le sommeil, éclairé par une lueur de lune, juste là, tout près ! sans faire de bruit.

La mort serait-elle une forme de vie, sans chair mais riche de sens, un exhausteur de vie en quelque sorte…

La vie polit la mort, lui donne de la douceur, lui enlève toutes rugosités pour ne garder que de « l ’élixir de vie ». Je reste là, sois en sûr, gardienne et témoin de cette vie qui n’est plus.

Seulement, alors, j’accepte de te laisser partir…

C’est la lettre que j’aimerai lire à la perte d’un de mes proches, peut-être de mon compagnon, d’un ami ou d’un familier. Les mots ont le pouvoir d’adoucir l’amer de la vie de l’après et la perte de l’être cher.

Me laisser bercer par le chuchotement des mots, la vibration de la voix remplie de larmes et de peine, sentir mon corps s’assoupir tendrement à l’évocation des moments partagés gardés au creux de soi, comme un précieux butin, égoïstement gardé juste pour soi, sans partage, sans concession…

C’est ça, la sophrologie, à tous les moments de la vie ou de la mort, un accompagnement, tel un baume réparateur. L’intentionnalité du sophrologue sera le vecteur, le catalyseur de la peine et de la souffrance ressenties.

Comme un chant que l’on écoute inlassablement, parce que c’était sa chanson préférée, comme une vidéo lors de son anniversaire que l’on revoit en boucle, comme une photo où l’on retrouve ce regard, dans lequel on se baigne comme dans le bleu de l’océan.

La séance de sophrologie, apporte ce soutien, ce réconfort que l’on ne retrouve nulle part ailleurs, alors comme un cadeau, comme une sucrerie défendue, elle contient, elle protège et elle vous porte, lorsque la vie devient insoutenable, impensable sans l’autre.

La vie est porteuse de mort, c’est pour cela, qu’elle est fascinante, insaisissable, unique et qu’elle est à savourer chaque jour comme un « jour unique », je me remercie d’être en vie, je remercie mes proches de prendre soin d’eux, de protéger leur vie et d’en protéger la mienne, quel bonheur d’en prendre conscience, de caresser l’existence d’un lever de soleil annonciateur d’une journée « toute neuve » riche en découvertes, en rencontres en échanges, la naissance d’une fleur, hier encore au plus profond de la terre.

Alors la vie, c’est un risque, je mesure avec la perte de l’être cher, sa préciosité et son caractère unique, comme une empreinte au milieu de tous reconnaissable comme le grain d’une voix familière, comme une odeur de peau, comme son pull préféré qui parle encore du contact de sa respiration, le respirer encore et encore en espérant garder toujours cette odeur présente dans les moindres fils du tissage, comme un bien précieux.

C’est aussi un moment où l’on se retire du monde pour être totalement à son deuil, comme dernier aurevoir, un temps indispensable, pour s’en nourrir pleinement, sans regrets. L’entourage doit encourager à ce recueillement, il n’est pas inquiétant, il est nécessaire, il est même conseillé, pour enfin ressentir la tristesse et laisser venir l’acceptation de la perte de l’autre, il n’est plus, mais j’ai été présent jusqu’au bout de ma peine en la respectant.

Par Isabelle FONTAINE

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