La Connaissance de Soi passe par l’Expérience du Corps

sophrologie pratiques et perspectives n°18 janvier 2018

Article paru en Janvier 2018 dans le magazine:
« Sophrologie, Pratiques et Perspectives » (n°18)

« Je n’ai jamais fait de sophrologie ! »

C’est en ces termes que Pierre se présente dans mon cabinet, il souhaite comprendre d’où viennent ces angoisses qui lui serrent  la gorge, lui coupent le souffle comme s’il venait de courir un marathon, ces tressautements dans les jambes et ces fourmillements dans les pieds !

«  Un ami m’a conseillé de faire de la sophrologie, il en a fait lui-même et il se sent beaucoup mieux, il sait respirer maintenant ! »

L’histoire pourrait prêter à sourire ; il n’en est rien, ce sont des histoires quotidiennes de personnes en souffrance.

La sophrologie, que j’exerce depuis plus de trente ans, me réserve toujours de nouvelles surprises et de nouveaux apprentissages. Nous voilà partis pour vivre une première séance de sophrologie ; j’invite Pierre à s’installer confortablement, à inspirer profondément par le nez, puis à souffler lentement…

Sa respiration calme et régulière l’aide à prendre conscience de cette juxtaposition entre ce « ressenti corporel » le moi ressentant, et à observer où se localisent ses sensations, le moi observant. Cet exercice l’aide  à supporter des situations dans lesquelles il est sujet à des crises d’angoisse, en acceptant et en conscientisant la réalité des deux « moi » en même temps : « je me sens très effrayé MAINTENANT et je suis en sécurité ICI. Lesdeux réalités coexistent ; l’ACCEPTATION des deux perspectives simultanément permet souvent de baisser rapidement le niveau d’angoisse.

Ce que je propose à Pierre, c’est un exercice simple pour prendre conscience du lien entre sensation corporelle et émotion : la connaissance de soi passe par l’expérience du corps.

 Lorsque la personne vient pour des états d’angoisse, de timidité invalidante, ou lorsqu’il y a des émotions inadaptées ou disproportionnées, on constate souvent une distorsion importante entre l’attention portée à ses stimuli internes « ce qui se passe dans son corps » et l’interprétation du monde au départ de ces sensations. Ces distorsions dans la façon de percevoir la réalité augmentent l’angoisse. Il y a donc clivage entre « stimuli sensoriels internes et externes » entre le moi ressentant et le moi observant. 

C’est à un voyage au pays de l’émotion créatrice auquel je vous invite :

Prenez un temps pour passer en revue vos sensations corporelles à cet instant-même. Comment se fait votre respiration : quelle est son amplitude ? Quelle est la température de votre peau ? Est-elle constante partout ? Prenez conscience de votre rythme cardiaque. Vérifiez la position des épaules : sont-elles relevées, voutées, tendues, relâchées ? Notez les sensations ressenties au niveau de l’estomac. Est-il contracté, avez-vous le trac, avez-vous faim ?

Maintenant, pensez à l’émotion « peur ». Souvenez-vous de la dernière fois où vous avez ressenti de la peur. Qu’avez-vous dit, pensé ? Reste t-il des vestiges de cette émotion ? Passez à nouveau en revue votre respiration, la position et la tension de vos épaules, votre rythme cardiaque, les sensations au niveau de l’estomac. Quelque chose a-t-il changé depuis votre premier tour d’horizon ?

Et maintenant, souvenez-vous d’un moment où vous vous êtes senti heureux, en toute sécurité, « sans peur ». Où étiez-vous, que portiez-vous comme vêtement ? Avec qui étiez-vous ? Remémorez-vous la scène avec autant de visualisations sensorielles, visuelles, auditives, olfactives, gustatives, tactiles, que possible. Que ressentez-vous dans votre corps ? Quelque chose a-t-il changé par rapport à l’émotion de peur d’avant ? La tension de vos muscles est-elle la même ? Que dit votre rythme cardiaque, êtes-vous en train de sourire ?

Pierre vit la séance, de manière attentive et consciencieuse. À l’issue de cette séance, quelques instants avant de lui laisser la parole, imaginons ce que pourrait être son ressenti, en voix off.

« Pendant la séance, la lenteur de la voix de la sophrologue m’a exaspéré ! Je crois même qu’elle n’a plus parlé à un moment, ou alors je ne l’ai pas entendue. En cette période d‘automne, j’ai laissé mon esprit divaguer…Je ne sais pas pourquoi l’image de châtaignes s’est imposée à moi, et puis une cheminée, et puis un chalet, la montagne… Oups, il faut que je réserve les sports d’hiver !… je crois que c’est à ce moment-là que j’ai réentendu la voix de la sophrologue. »

Vous respirez profondément, respiration dans les pieds, vous pouvez bouger les jambes, les mains, les bras, bailler profondément, amplement…

Pierre (toujours en voix off) : « Qu’est-ce que je vais dire à la sophrologue ? Je me tourne vers mon corps. En fait, j’ai l’impression de me sentir bien, presque à mon insu. Je prends conscience que je n’y comprends pas grand-chose. …Et pourtant, il me semble…. Ah je vais être en retard à mon boulot, la première chose que je vais faire, c’est de réserver les sports d’hiver. »

 Résistance ?…

« Ce bien-être que j’ai ressenti pendant la séance, je vais sûrement le ressentir aux sports d’hiver …C’est sûr ! »

« Tu as l’air joyeux ! C’est une collègue de travail que je viens de croiser. C’est vrai que cette séance de sophrologie m’a fait du bien, je ne comprends pas ! »

Le vécu d’une séance mène ainsi à trois types de bénéfices. Tout d’abord le bénéfice de l’expérience en matière d’informations nouvelles. Un enseignement sur les circonstances et les causes de ce malaise initial. Et l’expérience du vécu de la séance dans le corps qui sera ensuite réinvesti dans une expérience de vie plus adéquate, constituant ainsi des ressources corporelles nouvelles.

Par Isabelle FONTAINE

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